Les Modulations HF

La modulation d’un signal permet de traduire celui-ci dans un domaine fréquentiel adapté à une propagation électromagnétique (à la vitesse de la lumière dans l’air). L’onde est émise grâce à la circulation du signal modulé à travers un conducteur : l’antenne. Pour recevoir ce signal, une autre antenne capte cette onde électromagnétique et la traduit en courant électrique. Puis, afin de retrouver le signal audio (signal modulant), il faut démoduler ce signal. Ce sont toutes ces étapes qui sont englobées par l’expression “liaison HF”. Il existe différentes façons de moduler/démoduler un signal que l’on va décrire par la suite.

Types de modulation

Tout d’abord, il est important de faire la distinction entre une modulation analogique et numérique. Dans la modulation analogique, un signal purement analogique, comme un signal audio, modifie l’amplitude ou la fréquence d’un signal de haute fréquence (la porteuse) pour permettre son transport. Dans le cas de la modulation numérique, la porteuse est, cette fois-ci, modifiée en fonction de valeurs discrètes : deux états (0 et 1) ou plusieurs symboles représentant des combinaisons de bits

Modulations analogiques

modulation d’amplitude (am)

Passons brièvement sur la modulation d’amplitude qui trouve peu d’applications dans l’audio professionnel. Elle mérite néanmoins d’être décrite car elle permet d’introduire assez facilement le concept. Ici, l’amplitude de la fréquence porteuse est modulée par celle du signal audio, comme on peut le voir sur les graphiques suivants :

Visualisation temporelle de la modulation d'amplitude avec la porteuse et le modulant
Visualisation temporelle de la modulation d’amplitude avec la porteuse et le modulant
Encombrement spectral

L’encombrement spectral représente l’étalement fréquentiel de la porteuse modulée. De manière simplifiée, on pourrait dire qu’il s’agit de la « place » que prend la transmission. Ainsi, pour éviter un quelconque brouillage du signal, il faut espacer suffisamment les fréquences porteuses lors d’une transmission multiple. Comme présenté dans le graphique, en modulation d’amplitude, il y a un encombrement spectral égal au double de la fréquence maximale du signal audio.

Encombrement spectral de la modulation d'amplitude

modulation de fréquence (fm)

Comme son nom l’indique, lors de la modulation de fréquence, c’est la fréquence de la porteuse qui va être modulée, mais toujours selon l’amplitude du signal audio. Ceci confère l’avantage au signal radio d’être quasiment imperméable aux distorsions et aux bruits, car ce n’est pas l’amplitude qui va être démodulée mais la variation de fréquence. Cette modulation est utilisée dans la radio de la « bande FM » mais surtout dans de nombreux équipements de transmission HF audio. Par exemple, Wisycom reste fidèle à cette modulation.

Visualisation temporelle de la modulation de fréquence avec la porteuse et le modulant
Visualisation temporelle de la modulation de fréquence avec la porteuse et le modulant
Encombrement spectral

L’encombrement spectral de la FM est défini par la règle de Carson :

B=2(f_{max}+f_{\Delta})

avec : fmax la fréquence maximale du signal modulant (audio) et fΔ la déviation maximale de la fréquence de la porteuse (dépendante de l’indice de la modulation).

Carson introduit une approximation de l’encombrement spectral (98% de l’énergie) car en théorie l’encombrement spectral est infini en FM.

Encombrement spectral de la modulation de fréquence

Compander

Comme nous venons de la voir, l’encombrement spectral en FM peut s’avérer trop important. Ainsi, pour réduire la déviation maximale de la porteuse (fΔ) qui dépend directement de l’amplitude du signal audio, il faut compresser ce dernier. Le compander est la contraction de compresseur et expandeur. Il s’agit d’un outil essentiel dans les transmissions HF analogique afin de préserver au mieux le rapport signal sur bruit du préamplificateur. Voici le principe de fonctionnement : on pré-accentue les aigus de l’audio, puis on le compresse. Vient ensuite l’étape de modulation-transmission-réception-démodulation. Enfin, on expand le signal et on désaccentue les aigus. Alors pourquoi faire ça ? Concernant les aigus, il s’agit de la zone de fréquence la plus sensible au bruit, alors on la rend plus forte avant la transmission. De cette façon, à la réception, on va pouvoir enlever ces aigus (et donc du bruit), sans compromettre l’équilibre spectral de notre signal d’origine. Côté compression-expansion, le niveau de bruit le plus bas va être relevé pour qu’à la réception, le bruit reçu durant les étapes de transmission puisse être rabaissé.

Nous comprenons pourquoi il est crucial d’accorder les compander côté émetteur et récepteur car les filtres et la gestion de la dynamique se compensent directement.

Squelch

Le squelch dans les liaisons HF est basé sur le principe du noise gate : sur un signal audio, on vient fixer une limite (threshold) généralement sur les niveaux bas (sans signal utile) et toute l’information en dessous de ce seuil est supprimée. Alors qu’avec le squelch, c’est sur le signal radio reçu par l’antenne que l’on vient mettre un seuil. En revanche, ce n’est pas le signal radio qui va être supprimé lorsque le niveau passe sous cette limite mais le signal audio. Ceci afin d’éviter les bruits désagréables que l’on a tous déjà entendus lors d’une mauvaise réception radio. Cela s’avère utile pour les réseaux d’écoute afin d’éviter de rendre sourd l’équipe scripte et réalisation, ainsi que nos chers comédien.nes lorsqu’ils sont équipés d’oreillettes.

Cependant, l’usage du squelch peut être délicat. Lorsqu’il est réglé trop haut (par excès de prudence), on perd immanquablement en portée, car la tolérance de perte radio devient trop stricte et le signal audio est interrompu à la moindre perturbation. Il faut donc trouver un juste milieu.

intermodulation

Le choix des porteuses pour nos liaisons HF n’est pas une mince affaire malgré les outils actuels qui nous sont d’une grande aide. L’un des facteurs les plus contraignants demeure la distorsion d’intermodulation. Il s’agit d’une distorsion intervenant entre harmoniques et fondamentales de nos fréquences porteuses, voyons comment elle se construit.

Globalement, le problème vient de la multiplication de ces porteuses dans les amplificateurs radios. Cela peut survenir à l’émission ou à la réception. En effet, en électronique, afin de préserver les circuits d’amplification (transistors) on travaille en commutation, avec une valeur fixe de tension et une valeur nulle. Puisqu’en FM nous n’avons besoin que de l’information fréquentielle de la porteuse modulée, celle-ci va simplement subir une saturation la rendant “carrée”. Ainsi, la modulation de fréquence reste toujours interprétable. Seulement, une amplification non-linéaire introduit une composante multiplicative entre deux porteuses, ce qui revient (en trigonométrie) à une soustraction et une addition des fréquences. Ces opérations, dès la première harmonique, donnent de nouvelles composantes fréquentielles très proches de nos porteuses. Ce sont ces rapports qu’il est le plus important de prendre en compte lors du choix des porteuses :

2f_{1}-f_{2}\\
2f_{2}-f_{1}
Spectre des produits d'intermodulation (rose) entre les fréquences porteuses (bleues) et leur première harmonique (mauves)
Spectre des produits d’intermodulation (rose) entre les fondamentales (bleues) et premières harmoniques (mauves)

En numérique le problème se pose moins car on ne travaille pas en commutation. En effet, comme nous allons le voir, la forme d’onde de notre porteuse sera essentielle pour sa démodulation, notamment sa phase, on ne peut donc pas travailler avec des signaux carrés. Ainsi, les produits d’intermodulation sont bien plus rares mais quand même présents car aucun système d’amplification n’est parfaitement linéaire.

Modulation hybride digitale (Lectrosonic)

Lectrosonic utilisent une modulation propriétaire appelée Digital Hybrid, voici son principe : l’audio entrant dans l’émetteur est converti en numérique (88,2kHz/24 bits) puis est analysé par un algorithme qui tente de prédire les prochaines trames audio. La prédiction est ensuite comparée au flux audio réel qui suit et un signal de différence (erreur) est généré. Le signal d’erreur est envoyé à la sortie de l’émetteur et transmis avec une modulation FM (analogique). Aucun compander n’est donc appliqué directement à l’audio, seulement sur le signal d’erreur.

Dans le récepteur, le même algorithme prédictif fonctionne. Le signal d’erreur est reçu puis appliqué au flux audio prédit pour restaurer le flux audio numérique d’origine. Ce qu’il faut comprendre, c’est qu’il n’y a rien d’autre qu’un signal d’erreur qui est envoyé en FM. L’audio est simplement prédit par un algorithme numérique qui corrige ses erreurs grâce au signal FM. Pour illustrer cela, lorsqu’une tonalité sinusoïdale pure (signal entièrement prédictible) est délivrée à l’émetteur, le prédicteur fonctionne parfaitement et il n’y a aucune modulation de la porteuse FM puisqu’il n’y a pas de signal d’erreur à transmettre.

Modulations numériques

Modulation d’amplitude (amplitude shift keying ask)

La modulation d’amplitude numérique ressemble comme deux gouttes d’eau à la première modulation radio inventée. En effet, la modulation de Samuel Morse fonctionnait sur une interruption plus ou moins longue d’une haute fréquence. Avec l’ASK c’est un peu différent : la présence de la porteuse correspond aux 1 tandis que les interruptions représentent les 0. Cette modulation était utilisée principalement dans les accès à Internet par ligne commutée.

Visualisation de la modulation ASK avec les données numériques correspondantes et la porteuse
Visualisation de la modulation ASK avec les données numériques correspondantes et la porteuse

Modulation de fréquence (frequency shift keying fsk)

Dans la modulation de fréquence numérique, il y a deux porteuses différentes, une pour les 0 et l’autre pour les 1.

FSK non cohérente

La FSK non cohérente est une FSK où il n’y a pas de continuité de phase lors des changements de fréquence. Elle est notamment utilisée par certaines télécommandes de portail car ce type de liaison ne nécessite pas une synchronisation très précise.

Visualisation de la modulation FSK non cohérente avec les données numériques correspondantes
Fsk cohérente

Dans le cas d’une FSK cohérente, la phase est continue lors des changements de fréquence. Elle est utilisée lorsque l’on veut une synchronisation précise entre l’émetteur et le récepteur. Cette modulation est utilisée pour certaines communications satellites.

Visualisation de la modulation FSK cohérente avec les données numériques correspondantes

Modulation de phase (Phase Shift Keying PSK)

Dans le cadre des modulations de phase numérique, une porteuse de fréquence fixe est déclenchée à une phase différente pour chaque valeur numérique (0 et 1, voire plusieurs symboles).

Binary-PSK (BPSK)

Base de la modulation PSK : φ1=0 et φ2. L’utilisation de la BPSK se retrouve dans la diffusion de la télévision directe par satellites (DTH).

Visualisation de la modulation BPSK avec les données numériques correspondantes
Visualisation de la modulation BPSK avec les données numériques correspondantes
quadrature-psk (qpsk)

La QPSK permet de doubler le débit en codant des symboles de deux bits selon le code de Gray : 00, 01, 10, 11. Chacun des symboles correspond à un angle de phase différent.

Par commodité, on voit souvent la QPSK comme la combinaison de deux modulations BPSK en quadrature de phase. En effet, pour moduler un signal en QPSK, on commence par démultiplexer le signal numérique en deux voies distinctes. De cette façon, chaque nouveau bit est dirigé vers un chemin différent. Chaque chemin utilise une porteuse en quadrature de phase avec l’autre. Puis, les 0 sont mis en opposition de phase avec les 1 (comme en BPSK). Enfin, les deux voies sont recombinées pour former le signal QPSK.

Visualisation de la modulation QPSK avec les données numériques correspondantes
Visualisation de la modulation QPSK avec les données numériques correspondantes

La QPSK est notamment utilisée dans les transmissions numériques des réseaux mobiles 4G/5G. Certaines transmissions HF audionumériques sont basées sur cette modulation mais à un ordre plus élevé (8-PSK).

Modulation d’amplitude et de phase (Quadrature Amplitude Modulation QAM)

La modulation QAM (16-QAM dans notre exemple car 16 valeurs codables sur 4 bits) permet de moduler des symboles numériques encore plus longs. Outre la quadrature de phase, lors de l’attribution phase/opposition de phase, les symboles sont pondérés par un facteur d’amplitude afin d’augmenter le débit et le nombre de symboles. La QAM est utilisée dans de nombreux domaines et notamment dans les transmissions HF audio.

Visualisation de la modulation 16-QAM avec les données numériques correspondantes
Visualisation de la modulation 16-QAM avec les données numériques correspondantes

multiplexage par répartition orthogonale de la fréquence (OFDM)

L’OFDM est le principe de transmission HF utilisé par la gamme numérique de Sound Devices. Jusqu’à présent, nous avons abordé des modulations avec des porteuses uniques. Ces porteuses sont soumises à des trajets multiples en raison des réflexions qui se produisent entre l’émission et la réception. Cela conduit à la formation d’interférences constructives et destructives lors de la réception. L’OFDM vient remédier à ce problème en utilisant plusieurs sous-porteuses orthogonales entre elles. Ainsi, il y a peu de chance qu’elles se retrouvent toutes atténuées de la même façon. Néanmoins, chaque sous-porteuse peut être affectée par ce soucis d’atténuation. Alors, le CODFM a été créé afin de coder le signal avec de la correction d’erreur. De plus, l’OFDM inclut déjà un intervalle de garde entre chaque bloc de bits transmis afin d’éviter les interférences entre les symboles.

Sur le principe, tout d’abord, le signal analogique est converti en numérique puis les données sont regroupées en symboles. Après ça, chaque symbole est réparti sur une sous porteuse. Ces dernières sont espacées de 1/Tu entre elles ce qui garanti leur orthogonalité, avec Tu la durée utile d’un bit (ou symbole). Elles sont ensuite modulées en QAM ou PSK. Seulement, à ce stade, nous avons plusieurs composantes fréquentielles discrètes. Il faut donc les mettre en forme temporellement grâce à une transformée de Fourier inverse (iFFT) pour pouvoir les transmettre en une seule fois (signal composite). La mise en forme permet de garder la cohérence dans l’orthogonalité des sous-porteuses, essentielle pour l’efficacité spectrale, car elles peuvent se chevaucher en évitant toute interférence. Pour terminer la transmission, ce signal composite est tout simplement modulé en AM. Côté réception, le signal radio reçu est converti en numérique, puis les intervalles de garde sont supprimés. Et afin de retrouver toutes les sous porteuses, le signal est remis sous sa forme fréquentielle grâce à une FFT. Enfin, les sous porteuses sont démodulées pour retrouver les symbole du signal numérique et ces derniers sont remultiplexés.

Encombrement spectral

Fréquentiellement, le signal OFDM est une somme de composantes très rapprochées entre elles. Ainsi, ces “cloches” fréquentielles donnent un spectre assez rectangulaire, sans grands lobes secondaires, contrairement à la modulation analogique FM. On peut donc étaler le spectre OFDM pour augmenter le débit sans risquer des interférences avec les autres transmissions (en prenant bien un intervalle de 400kHz entre les porteuses). Sur le graphique, les raies rouges représentent les sous porteuses orthogonales vis à vis de leurs voisines bleues.

l’indicateur de qualité (q-METER)

Depuis l’avènement des systèmes de transmission HF numérique, une nouvelle mesure s’est glissée dans nos récepteurs, le Q-Meter. En effet, souvent, malgré un niveau de réception radio convenable (RSSI : received signal strength indication), la réception se coupe plus tôt en raison d’une mesure Q trop faible. De fait, ce facteur traduit la quantité d’erreur dans les paquets audionumériques réceptionnés, ainsi, peu importe le RSSI, si le signal est brouillé par trop d’interférences ou du bruit, il ne sera pas exploitable. Afin de calculer ce Q, les systèmes émetteur-récepteurs audionumériques intègrent un codage d’erreur qui permettent d’évaluer le nombre d’erreur à chaque paquet de transmission. Les interférences et le bruit sont tout autant présents en analogique, mais se traduisent directement dans le signal audio alors qu’en numérique, cela vient brouiller la lisibilité des symboles numériques et ainsi créer des coupures dans le signal et ainsi une perte de portée.